La réforme territoriale en débat

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18 février 2018 ~ 1 Commentaire

Maurice Baslé |Des territoires ruraux ou périphériques pas toujours délaissés par les subventions aux investissements publics

Maurice Baslé. CREM-CNRS    Chaire Connaissance et action territoriale

Des habitudes d’écriture et de condensation de pensées conduisent aujourd’hui en France nombre d’auteurs à utiliser des formules toutes faites qui passent ou ne passent pas les tests de vérité que les chercheurs peuvent pratiquer avec les données à leur disposition. Par ailleurs la réalité des systèmes territoriaux en évolution est complexe et les dynamiques perçues dépendent des échelles de temps utilisées (de trois à cinq ans, sur une génération, sur deux générations etc…).

Parmi les formules toutes faites, il y a les « fractures territoriales » en France. Cette expression est polysémique : fracture entre quoi et quoi (entre Paris et le désert français, entre les métropoles et les communes rurales, entre les communes riches de potentiels fiscaux et les communes sans assiette taxable…).

Les groupes d’intérêt des bénéficiaires de ces fractures ne se font guère entendre mais les groupes d’intérêt des victimes auto-proclamées se regroupent souvent (sur des critères de taille –petite-, de distance –loin de…-, ou de spécificités –massifs, îles…-). Le message est un appel à une aide publique plus substantielle, en particulier par le canal des subventions publiques à l’investissement : le territoire aurait été délaissé par l’action publique, il faudrait donc inventer des compensations territoriales (compensations par différents canaux et des mécanismes de redistribution ou de péréquation).

La question évoquée ici est d’une extrême complexité.bUne remarque préalable d’étonnement est présentée avant d’évoquer le compte rendu d’une étude en cours.

La remarque d’étonnement.

Un territoire n’est théoriquement pas seulement délaissé par les pouvoirs publics, l’action publique ou « le pouvoir central ». Les ménages et les entreprises « votent avec leurs pieds » et peuvent avoir choisi de ne pas se localiser ici où là pour des raisons qu’ils jugent bonnes ou au moins raisonnables. Dans ce cas de « non venue », à court terme ou à l’échelle temporelle d’une génération, les pouvoirs publics peuvent ou bien faire le constat du « vide » et délaisser le territoire, ou bien sur la base de ce « vide » entreprendre des actions de dynamisation et de développement local. Des actions qui engagent des fonds publics à « fonds perdus » ou avec certains types de résultats. Il est curieux que les auteurs traitent davantage la question du délaissement par les pouvoirs publics que la question de la « non-venue » privée sur un territoire.

Compte-rendu provisoire d’une étude en cours.

La chaire Connaissance et action territoriale de la Fondation de l’Université de Bretagne-Sud a entrepris, sous l’appellation de projet FINLOC, de digérer le big data (les données en masse ») des budgets publics locaux depuis 2011 (données ouvertes par Bercy, données DGFIP direction générale des finances publiques, voir ici * l’interview de l’Administrateur général des données à Bercy, Lionel Ploquin).

La première structuration de ces données en mase a porté sur le  bloc « subventions d’investissement, dépenses d’équipement, actifs immobilisés » de toutes entités territoriales françaises (environ 157.000 comptes de communes, intercommunalités, EPCI à fiscalité propre, départements, régions etc..).

La structuration des données consolide les budgets principaux et les budgets annexes. La consolidation territoriale est également réalisée (le territoire par exemple, à l’échelle départementale, est une entité ou sont consolidés les comptes de tous les acteurs publics locaux). **

Les travaux sont menés pour la France métropolitaine. Les premiers résultats concernent les Régions Bretagne (qui finance le projet) et PACA.

Voici deux cartes extraites des milliers de navigation sémantique qui sont désormais possibles. Il s’agit de représenter le cumul des subventions d’investissement (par habitant et ici par habitant au sens de la population DGF pour tenir compte des résidences secondaires et des campings) reçues entre 2011 et 2016 (en provenance de différents émetteurs de subventions : Etat, fonds, régions, départements etc.). Les choix est de présenter les résultats à l’échelle communale (l’exercice donne les mêmes types de résultats à l’échelle intercommunale).

Les résultats sont visibles : ce canal des subventions publiques d’investissement n’a pas délaissé les territoires ruraux ou iliens en Bretagne, montagnards en PACA (les couleurs foncent en fonction des subventions reçues). Au vu de ces constats, il faut donc élaborer l’hypothèse suivante : le délaissement de ces territoires ruraux, iliens ou montagnards est plutôt à rechercher du côté de la demande de localisation des ménages et des entreprises.

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*https://www.cgi.fr/blog/secteurs/dgfip-concretiser-open-data

**voir le site de la Chaire connaissance et action territoriale : http://finloc.univ-ubs.fr/

 

 

 

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02 février 2018 ~ 0 Commentaire

Christophe Demazière |Des métropoles en trompe-l’œil

Christophe Demazière, Professeur en aménagement-urbanisme, UMR 7324 Cités, Territoires, Environnement et Sociétés, Université de Tours – CNRS

Dans plusieurs pays européens (Angleterre, France, Italie), on a assisté, ces dernières années, à la mise en place d’un « gouvernement métropolitain ». Pourtant, depuis plus de 50 ans, les chercheurs ont montré que l’institution d’un tel palier d’action publique demeure partielle, notamment en raison de la résistance des autres collectivités. La création récente de « métropoles » en France constitue-t-elle un changement radical ? Cet article aborde ces questions par l’analyse de l’assise territoriale réelle des institutions créées.

1.      Un écart entre la théorie et la pratique

La mise en place de ‘métropoles’ en France a fait l’objet de vifs débats sur la scène politique, tendant à opposer territoires ruraux et territoires urbains. La loi MAPTAM créerait de puissants EPCI tandis que les autres territoires (périurbains, ruraux, villes petites et moyennes…) seraient délaissés par l’Etat. Or, la majorité des populations défavorisées réside au cœur des espaces métropolitains, et certains espaces non métropolisés sont plus prospères que les grandes villes (Jaillet et Vanier, 2015). La distinction urbain/rural n’a plus guère de fondement scientifique, mais la façon dont la réforme métropolitaine a été conduite peut expliquer son exacerbation.

Dès les années 1990, certains travaux ont montré que l’émergence d’un « gouvernement métropolitain » est un processus difficile, qui se heurte à la résistance des pouvoirs infranationaux constitués (Sharpe, 1995 ; Lefèvre, 1998). Idéalement, le « gouvernement métropolitain » possède trois traits principaux. Premièrement, il dispose d’une légitimité politique forte, obtenue par l’élection directe de ses représentants politiques. Cette légitimité propre permet au palier métropolitain que ses actions soient admises et s’imposent à tous – et d’abord aux collectivités locales de base. Loin de l’intercommunalité, où la légitimité politique est celle accordée par les représentants des communes membres, on est ici dans un modèle supracommunal. Deuxièmement, l’institution métropolitaine dispose d’une autonomie significative vis-à-vis des autres niveaux de gouvernement, acquise à travers des ressources financières et humaines adéquates et des compétences importantes. Les champs généralement cités sont la planification territoriale, le développement économique, la gestion des réseaux techniques (transport, eau, assainissement, déchets), la lutte contre l’incendie, la culture… Ces compétences permettent d’agir sur les principaux enjeux qui traversent les aires métropolitaines. Enfin, le gouvernement métropolitain a une assise territoriale « pertinente », correspondant grosso modo à l’aire urbaine fonctionnelle.

Ces caractéristiques permettraient à l’institution métropolitaine d’être légitime, puissante et autonome (Lefèvre, 1998). Mais il y a loin de cette vision théorique à la pratique. Selon nous, les métropoles issues de la loi MAPTAM ne satisfont que le deuxième critère.

2.      La création des métropoles : pas grand-chose de nouveau

L’institution des métropoles en France semble marquée par une triple continuité. Temporelle : depuis la désignation de « métropoles d’équilibre » et des premières communautés urbaines, le point de vue de l’Etat n’a pas varié sur la nécessité de dépasser le niveau communal pour traiter certains enjeux. Institutionnelle : en créant un nouveau type d’EPCI et non une nouvelle collectivité territoriale (à l’exception lyonnaise près), la tradition l’emporte. Enfin, la continuité territoriale est extrême (Grand Paris et Aix-Marseille mis à part).

Tableau 1 : Stabilité ou changement dans le périmètre des 15 métropoles issues de la loi MAPTAM

Cas Pas d’élargissement Petit élargissement

≤ 5 municipalités

≤ 10 000 hab.

Moyen élargissement

≥ 20 municipalités

≥ 30 000 hab.

Création
Modalité   Fusion de la métropole ou de l’EPCI urbain préexistant avec les communes d’une communauté de communes comptant moins de 15 000 habitants Fusion de la métropole ou de l’EPCI urbain préexistant avec plusieurs communautés de communes Décision de l’Etat : fusion d’EPCI urbains et périurbains Décision de l’Etat : création ex nihilo d’une métropole à statut spécial
Villes Bordeaux

Brest

Lyon

Montpellier

Nancy

Nantes

Toulouse

 

Lille (en 2017 5 municipalités, 5 900 habitants)

Rennes (en 2014, 5 municipalités, 7 138 habitants)

Strasbourg (5 municipalités, 6 500 habitants)

Grenoble (en 2014, communautés de communes du Balcon Sud de Chartreuse et du Sud Grenoblois, 21 communes et 35 000 habitants)

Nice

Rouen (en 2010, 26 municipalités rejoignent la communauté d’agglomération, soit 81 161 habitants supplémentaires)

Marseille-Aix

 

Grand Paris

Source: Auteur

Sur les 15 premiers regroupements issus de la loi MAPTAM, sept n’ont connu aucun changement de leur périmètre (tableau 1, première colonne). Or, la plupart de ces territoires ont connu une forte croissance démographique et économique et un mouvement de périurbanisation au cours des dernières décennies, ce qui justifierait un élargissement de leur territoire. À l’autre extrême du tableau (colonne de droite), la création de deux « métropoles Gargantua » (Wood, 1958) a été imposée par l’Etat, au grand dam de la plupart des élus locaux.

L’institution de métropoles a parfois donné lieu à un agrandissement du périmètre qui varie en importance. A Grenoble, Nice et Rouen, les EPCI ont fusionné en amont de la loi MAPTAM. A Lille, la communauté urbaine s’est muée en métropole mais au 1er janvier 2017, il y a eu fusion avec une communauté de communes dont la population était inférieure au seuil défini par la loi NOTRe. Ce minuscule élargissement a une grande conséquence : il a impliqué le passage du conseil de 179 à 184 membres et surtout la réélection d’un président et des vice-présidents. Ce cas peut contribuer à expliquer pourquoi les élus des EPCI métropolitains eux-mêmes étaient (et seront demain ?) réticents à toute fusion avec des EPCI périurbains. S’agit-il de garder l’antique division du travail avec le département ? Il y a dix ans déjà, Alain Motte écrivait que, pour analyser les dynamiques territoriales clés et mettre en œuvre l’action publique, l’échelle de l’aire urbaine est considérée comme « évidente » par les gouvernements, les chercheurs et les techniciens, mais beaucoup moins par les élus locaux (Motte, 2006, pp.19-20).

Tableau 2 : Les 22 métropoles au regard de leur unité urbaine

Population de la métropole ≤ population de l’unité urbaine Population de la métropole ≥ population de l’unité urbaine
Grand Paris (66,4%)

Lyon (81,6%)

Bordeaux (81,0%)

Toulouse (81,3%)

Nantes (71,3%)

Nice (88,6%)

Grenoble (88,6%)

Toulon (77,3%)

Tours (85,3%)

Nancy (91,8%)

Metz (78,5%)

Aix-Marseille-Provence (117,2%)

Lille (110,9%)

Rouen (107%)

Strasbourg (105,8%)

Montpellier (108,4%)

Rennes (136,1%)

Clermont (110,6%)

Orléans (105,1%)

Dijon (106,7%)

Brest (106,9%)

En conséquence, le périmètre des nouvelles institutions métropolitaines est le plus souvent étroit (tableau 2). Si on utilise la définition de la ville utilisée en France par l’INSEE, caractérisée par la continuité du bâti, on voit que la moitié des métropoles ont une population inférieure à la population de l’unité urbaine. C’est notamment le cas de Paris, Lyon, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice, Grenoble et Toulon, soit 8 centres urbains parmi les 10 plus peuplés de France. Seules les métropoles de taille moyenne (avec moins d’un demi-million d’habitants dans leur unité urbaine) ont une population supérieure à la population de celle-ci, ce qui signifie qu’elles englobent (en général modérément) les espaces périurbains. Mais ce n’est pas le cas partout, comme le montre le cas de Tours où seulement 85% de la population de l’unité urbaine est couverte par la métropole. Par contre, à Rennes, le périmètre de la métropole comprend d’importantes parties des zones périurbaines.

3.      Quelques défis pour demain

Dans la mesure où, en moyenne, les municipalités urbaines des pays voisins (Angleterre, Belgique, Allemagne, Italie…) regroupent en moyenne une population plus importante sur une plus grande superficie qu’une commune française, les métropoles françaises sont un trompe-l’œil. Un périmètre souvent étroit et une taille de population non métropolitaine au regard des standards internationaux se combinent curieusement avec un nombre élevé de maires impliqués. L’exécutif métropolitain a une légitimité faible, qui s’ancre dans la relation forte qu’a chaque maire avec les électeurs concernés. On pourrait être confronté à une gouvernance aussi opaque que celle des communautés urbaines, notamment à travers les relations entre les représentants de la commune-centre et les maires des communes d’un moindre poids démographique, économique et politique (Louargant et Le Bras, 2015).

La création des métropoles (y compris sa déclinaison à Lyon) est liée à l’influence législative des élus des grandes villes, dont certains ont lancé depuis vingt ans des projets urbains audacieux et marquants (opérations de régénération urbaine, lignes de tramway, centres d’affaires…). Il est rassurant que la mise en œuvre des compétences nouvelles ne pose pas de problème majeur, en raison de trois décennies de gestion locale. Cependant, le mouvement de coopération intercommunale qui a jeté les bases de la création des métropoles n’est-il pas un enfermement ? L’Etat français se trouve loin des territoires, les pactes métropolitains s’apparentant le plus souvent une liste de projets définis et portés par les métropoles.

Pour un observateur étranger, la création des métropoles en France s’assimile, pour les plus peuplées d’entre elles, à la création d’une très grande municipalité urbaine (puisqu’on est dans l’unité urbaine), mais sans supprimer les communes existantes. Le pouvoir métropolitain est majeur au plan politique, acteur en matière de projets, mais étriqué au plan spatial. Comment peut-il faire avec l’injonction de l’Etat de coopérer avec des espaces périurbains qui font partie du système métropolitain mais qui revendiquent d’être autonomes ?

BIBLIOGRAPHIE

Jaillet M.-C., Vanier M. (2015), Ce que le discours de la fracture signifie, Urbanisme, n°399.

Lefèvre, C. (1998): Metropolitan government and governance in western countries: A critical review, International Journal of Urban and Regional Research Vol. 22 (1), pp. 9-25.

Louargant S., Le Bras D. (2015), L’intercommunalité coopérative : le cas de Grenoble, in Lefeuvre M.-C. (dir.), Faire métropole : les nouvelles règles du jeu, Paris, Le Moniteur.

Motte A. (2006), La notion de planification stratégique spatialisée en Europe (1995-2005), Paris, PUCA.

Sharpe L.J. (ed.) (1995), The Goverment of World Cities: the Future of the Metro Model, Chichester, Wiley.

Wood R. (1958), Metropolitan government, 1975: an extrapolation of trends. The new metropolis: Greenbelt, grass roots or Gargantua?, American Political Science Review, Vol. 52, pp. 108-122.

 

02 février 2018 ~ 0 Commentaire

André Torre et Sébastien Bourdin | Dangers du big bang territorial et réformes hâtives

André Torre, Directeur de recherche INRA-Agro-ParisTech, Université Paris-Saclay

Sébastien Bourdin, Enseignant-chercheur à l’EM Normandie

Au moment où se profilent de nouveaux changements pour les territoires, avec les discussions sur la taxe d’habitation, la Nouvelle Collectivité Territoriale de la Corse ou les projets de réduction du nombre d’élus, il n’est pas inutile de revenir sur les effets des récentes réformes territoriales. En effet, la loi NOTRe (et avant elle la loi MAPTAM) a introduit des changements importants dans l’organisation et l’ancrage spatial des activités économiques et sociales de notre pays, des changements qui remettent profondément en question le rôle joué par l’Etat (Torre et Bourdin, 2015 et 2016).

I. Retours sur la loi NOTRe

Le 3 Juin 2014 François Hollande annonce le lancement d’une réforme visant à modifier l’architecture territoriale de la République. Il s’agit de bouleverser radicalement le meccano territorial (Béhar et al., 2009), dans un pays qui ne compte pas moins de 36 658 Communes, 2 054 cantons, 101 départements, 13 métropoles (dont le Grand Paris) et 27 Régions.

S’inscrivant dans la filiation des lois de décentralisation de 1982 et de l’inscription de la République décentralisée dans la Constitution en 2003, le Président assigne une nouvelle ambition à la réforme : simplifier et clarifier l’organisation territoriale de la France, afin que chacun sache qui décide, qui finance et à partir de quelles ressources. Sa tribune, qui définit les grands objectifs de réforme de l’organisation territoriale, est rapidement suivie de la présentation de deux projets de loi donnant corps à l’opération de simplification de l’architecture institutionnelle de la France. Le premier concerne la délimitation des régions et les modalités d’élections régionales et départementales, le second est relatif à la nouvelle organisation territoriale de la République.

Le débat, porté devant le Parlement, prend rapidement une forme conflictuelle autour de deux points : les frontières des futures Régions (et leurs Capitales) et le maintien ou la suppression des départements. Sans revenir sur l’impréparation, l’improvisation et les atermoiements du Pouvoir, il révèle de profondes divisions de la représentation nationale sur les objectifs et les moyens d’une possible réforme, ainsi que sur la conception même de la structure décentralisée de la République. Les discussions, qui vont nécessiter plusieurs navettes entre l’Assemblée Nationale et le Sénat, transcendent nettement la dichotomie droite – gauche, même si la discipline républicaine va permettre in fine d’obtenir un vote favorable aux exigences du Premier Ministre.

Au-delà des incantations habituelles sur la nécessité de réformer et de simplifier le « millefeuilles » territorial, les divergences sont particulièrement fortes sur les échelons à éliminer. L’idée initiale d’une suppression des départements fait long feu, suite à la mobilisation des élus locaux, mais aussi à la difficulté à répartir leurs nombreuses compétences et les financements liés vers d’autres pièces du dispositif institutionnel. Outre le fait que les départements jouent un rôle de garant des solidarités humaines et des solidarités territoriales (Manier, 2015), les élus ruraux mettent en particulier en évidence les services rendus par ces derniers dans des espaces parfois isolés, éloignés des métropoles et comportant des populations en difficulté. Mais leur utilité en zones périurbaines est également soulignée, en particulier en matière de cohésion sociale : le maintien est finalement acquis, sauf au cœur des grandes métropoles.

L’autre casse-tête concerne les frontières des nouvelles Régions, ainsi que la fusion d’une partie d’entre elles, à périmètres identiques puisqu’aucune reconfiguration interne n’est autorisée. Ce petit jeu très français, déjà porté par différents groupes de réflexion dont la commission Balladur en 2009, va donner lieu à de nombreuses passes d’armes, impliquant aussi bien des Président(e)s de Régions concernées que les Maires des capitales régionales, qui ne veulent pas perdre leurs prérogatives. Rapidement jetée à bas, la carte initiale est remplacée, au gré des discussions, par des configurations et architectures variables, qui font plus souvent la part belle aux alliances locales qu’à des impératifs de rationalisation ou d’économies. La solution à 13 Régions métropolitaines, finalement retenue, révèle que les fusions sont particulièrement concentrées dans le Sud-Ouest, le Nord et l’Est de la France.

Suite à différentes péripéties, le projet de loi relatif fait l’objet d’un vote à l’Assemblée Nationale le 25 Novembre 2014, les députés adoptant du même coup la carte définitive à 13 Régions. Le 1er Janvier 2015, la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, dite « loi MAPAM » ou « MAPTAM », crée un nouveau statut pour 11 métropoles (agglomérations de plus de 400 000 habitants) avec des compétences en matière de développement économique, d’innovation, de transition énergétique et de politique de la ville : le Grand Lyon, Bordeaux, Brest, Grenoble, Lille, Montpellier, Nantes, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse viennent s’ajouter à Nice[1]. La constitution de ces métropoles ne s’est pas réalisée sans peine (Douay, 2013). Enfin, le 16 juillet 2015, l’Assemblée nationale et le Sénat adoptent définitivement la loi portant la nouvelle organisation territoriale de la République (ou loi NOTRe), publiée au Journal officiel le 8 août, après examen par le Conseil constitutionnel.

II. La réforme territoriale et ses enjeux : le rêve d’une France urbaine

La réforme territoriale semble s’appuyer sur l’idée que la France est avant tout un pays urbain, dont l’organisation doit se structurer autour d’un certain nombre de grandes villes puis, par désagrégations successives, de communes ou d’intercommunalités de taille moyenne, pour aboutir au maillage en bourgs des espaces ruraux. Les métropoles font l’objet de tous les égards. L’avenir de l’Hexagone se dessine ainsi autour de ses zones les plus peuplées et les plus denses, appelées à jouer un rôle structurant en organisant et aménageant leurs hinterlands. Pilotant le futur des territoires ruraux, elles vont y faire produire les ressources alimentaires nécessaires à leur fonctionnement quotidien (l’alimentation des villes) et réserver des espaces de loisir pour les urbains jeunes ou vieux, qui pourront profiter des paysages ou satisfaire leur désir de nature.

Une telle vision est dangereuse, car elle oublie au passage une partie des territoires, présents dans les attendus et l’intitulé même de la réforme, mais dont la diversité est au final largement négligée. C’est l’histoire d’un malentendu. Les territoires auxquels fait allusion le texte de loi, sans trop insister, sont ceux des politiques publiques locales, constitués par les collectivités territoriales. Il s’agit de territoires « donnés » et institutionnels, de la Région ou du département par exemple, une délimitation géographique autour de laquelle vont se construire les stratégies de développement et d’aménagement. Mais il n’est pas question des territoires construits par les acteurs, qui jouent un rôle essentiel dans les dynamiques locales comme dans le renouveau des initiatives citoyennes.

Or ces territoires vécus dépendent des relations et des actions de groupes ou de populations particulières, qui se reconnaissent dans des projets communs plutôt que des frontières délimitées. Produits des actions d’un groupe humain organisé, en construction permanente, ils s’inscrivent dans le long terme, avec une histoire et des préoccupations ancrées dans les cultures et les habitudes locales, la perception d’un sentiment d’appartenance, ainsi que des formes d’autorités politiques, des règles d’organisation et de fonctionnement spécifiques (Torre, 2014).

S’ils ont connu une traduction éphémère avec les Pays, ou plus éthérée avec les Bassins de vie, ces territoires bien réels signent l’incontournable diversité de la France, au-delà de la vision urbano-centrée des métropoles et des zones dédiées à leurs services. Matrices de l’initiative et des projets, ils révèlent des modes de fonctionnement et de (non) développement bien différenciés. Alors que les métropoles de province, qui regroupent 1/5ème de la population française, ont connu une croissance démographique importante au cours des dix dernières années – liée en particulier à l’accélération de la périurbanisation – les zones rurales regagnent des habitants, et la croissance de certaines d’entre elles est supérieure aux territoires urbains (carte 1). Ainsi, certains départements ruraux tirent leur épingle du jeu, comme la Haute-Loire – dont la population a augmenté de 0,5 % par an entre 2007 et 2012 sous l’influence de la métropole stéphanoise – car ils sont localisés sur des axes stratégiques de transports reliant des grandes villes (axe Toulouse-Montpellier, vallée du Rhône ou de la Garonne).

Carte 1. Les dynamiques rurales (source : CGET)

7-Dangers du big bang territorial et réformes hâtives

Par ailleurs, on peut s’interroger sur la légitimité des nouveaux périmètres en termes d’aménagement. Une étude de France Stratégie (2015) sur les déplacements de travail et les liens financiers (l’origine géographique des actionnaires des entreprises) entre régions et départements révèle que certains départements plutôt urbains – les Bouches-du-Rhône ou la Haute-Garonne – entretiennent des relations économiques et financières plus intenses avec des régions voisines, alors que d’autres, à dominante rurale, peuvent être considérés comme isolés en raison de leurs faibles liens avec les territoires proches (Cantal, Hautes-Alpes, Creuse, Lozère). Bien que le nouveau découpage régional (Brennetot et De Ruffray, 2014) limite les forces centrifuges, se pose quand même la question de la cohérence économique intra régionale, afin d’améliorer l’efficacité de l’intervention publique, notamment en termes d’aménagement.

D’autre part, l’idée de confier l’avenir de la France aux métropoles fait planer un doute sérieux sur l’avenir des territoires à faible densité de population (Vanier, 2015), considérés, dans le meilleur des cas, comme au service des grandes agglomérations. Une telle option fait l’impasse sur la croissance importante de ces espaces ces dernières années (même si elle reste faible en volume bien sûr), mais néglige également certaines dimensions qui leur sont toutes particulières. En effet, la richesse de la France, pays privé de ressources minières et énergétiques, réside avant tout dans deux atouts : ses paysages et sa diversité d’une part, résultant de sa grande étendue (le plus grand pays de l’UE), de la diversité de ses terroirs et de ses variétés climatiques et géomorphologiques ; la qualité et la diversité de sa ressource humaine d’autre part, aux compétences et expériences extrêmement diversifiées, selon les lieux, les origines et les types de productions.

Cette diversité est fortement portée dans les territoires de faible densité, ruraux et périphériques, caractérisés parfois par leur dynamisme, leur productivité et leur capacité d’innovation. Même si les espaces ruraux français restent imprégnés par les activités agricoles, on y observe une forte surreprésentation d’emplois dans l’industrie, en particulier agro-alimentaire. En 2013, le secteur industriel représentait 12,5 % des emplois en France métropolitaine, et jusqu’à 20 % dans certains départements plutôt ruraux (Jura, Haute-Saône, Vendée, etc.). Ainsi, de nombreuses grandes entreprises très performantes à l’exportation sont situées dans ces zones considérées comme périphériques. C’est le cas de Michelin[2] ou de Lactalis[3], et la productivité de l’agriculture française est l’une des plus élevée au monde.

Enfin, il faut craindre un effet négatif des reconfigurations régionales sur l’équité territoriale (Callois, 2015). Non seulement la fusion des Régions va entrainer un éloignement accru des zones périphériques, mais elle ne pourra que renforcer la concentration des activités dans les zones les plus productives. Enfin, on peut s’attendre à une diminution de la qualité, voire à un manque, des services de proximité. On peut légitimement s’inquiéter pour les habitants des zones « frontalières » ou des territoires les plus éloignés des grandes villes ou des métropoles, dans un contexte de diminution des ressources publiques, de rationalisation des équipements et de suppression de nombreux services (lycées, formation professionnelle, hôpitaux, postes…), quand il ne s’agit pas des voies ferrées.

 

Bibliographie

Béhar D., Estèbe P. & Vanier M., 2009, Meccano territorial: de l’ordre territorial à l’efficacité interterritoriale. Pouvoirs Locaux, 4(83), 79-83.

Brennetot A. & De Ruffray S., 2014, Découper la France en région. Cybergeo: European Journal of Geography.

Callois J-M., 2015, La nouvelle carte des régions : faux prétextes et vrais impacts, In Torre A., Bourdin S. (dir.), 2015, Big Bang Territorial : La réforme des régions en débat, Armand Colin, Paris.

CGET, 2015, Synthèse des Stratégies Régionales de l’Innovation (SRI) en vue de la spécialisation intelligente (S3) des régions françaises, Collection « Connaître les programmes européens », Recherche, innovation et technologie, 112 p.

Douay N., 2013, Aix–Marseille–Provence: accouchement d’une métropole dans la douleur. Métropolitiques. 78-209.

Dumont G-F., 2015, Dix questions sur la nouvelle délimitation des régions, In Torre A., Bourdin S. (dir.), 2015, Big Bang Territorial: La réforme des régions en débat, Armand Colin, Paris

France Stratégie, 2015, Réforme territoriale et cohérence économique régionale, Note d’analyse n°25, 8 p.

Manier D., 2015, La réforme territoriale en France: l’avenir du Département en tant que collectivité territoriale, Allemagne d’aujourd’hui, (2), 84-90.

SENAT, 2016, Réforme territoriale : les premiers retours de l’expérience du terrain, Rapport d’information du Sénat du 23 mars 2016, n°493, 67 p.

Torre A., 2014, Développement territorial : quoi de neuf ?, Pouvoirs Locaux, 101, II, 35- 38.

Torre A., Bourdin S. (dir.), 2015, Big Bang Territorial: La réforme des régions en débat, Armand Colin, Paris.

Torre A., Bourdin S., 2016, Des réformes territoriales qui posent bien des questions, Population & Avenir, vol. 727, n°2, 14 – 16.

Vanier, M., 2015, Réforme territoriale et espace rural. Pour, (4), 147-153.

 


 

[1] Le 28 février 2017, la loi relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain permet à plusieurs EPCI de se transformer en métropoles à leur tour. C’est le cas de Dijon, Orléans, Saint-Étienne, Toulon, Clermont-Ferrand, Metz et Tours.
[2] Située dans le Puy-de-Dôme, 3ème plus grande entreprise mondiale dans le domaine des pneumatiques avec un CA de 21,2 milliards de dollars en 2015.
[3] Située en Mayenne, 3ème plus grande entreprise laitière au Monde avec un CA 19,4 milliards de dollars en 2013.

02 février 2018 ~ 0 Commentaire

Antoine Beyer | Quels recours politiques contre le découpage régional ? Le cas de l’Alsace dans l’impasse du Grand Est.

Antoine Beyer – Professeur d’Université – Laboratoire MRTE – Université Cergy-Pontoise 

La précipitation du découpage régional et le refus de tout aménagement a conduit à des résultats pour le moins aléatoires. La fusion pouvait répondre à une aspiration ancienne (Normandie) ou recueillir un assentiment critique (Auvergne), rencontrer l’indifférence (Poitou-Charentes et Limousin au sein de la Nouvelle Aquitaine), mais son principe a aussi pu se heurter à une opposition, feutrée (Franche-Comté) ou virulente (Alsace). A part le nombre qui devait être ramené arbitrairement à 13 alors même que le réseau urbain fonctionnel s’articule en 26 ensembles (Berroir, 2017), aucune règle claire n’avait été préalablement posée pour une telle réorganisation. Ni « l’équilibre global », ni « la taille critique » n’ont été explicitement définis. Les périmètres des nouvelles entités ont, quant à eux, été longtemps fluctuants et semblent être liés à des considérations politiques promues par un exécutif socialiste soucieux de ménager ses grands élus.

Si l’on peut aujourd’hui commencer à approfondir l’évaluation de la réforme d’un point de vue technique (analyse coûts/bénéfices, redistribution des services, retombées en termes d’aménagement), il ne faudrait pas négliger la composante politique de l’affaire et ses effets durables. Dans cette perspective, notre propos s’appuiera sur l’exemple alsacien dont la population a le sentiment avoir été injustement traitée. La disparition institutionnelle de l’entité régionale est ici vécue comme un déni d’identité et s’est traduite par une incompréhension profonde, qui est en train de se muer en un sentiment de délégitimation globale du système politique à mesure que les recours s’avèrent inopérants. L’autoritarisme gouvernemental et les revirements incompréhensibles de la classe politique locale ont eu pour conséquences de réveiller d’anciens traumatismes et de susciter un « nouveau malaise alsacien » (Kretz, 2015) ou une « indignation alsacienne » (Klein, 2015). Pour en comprendre la portée, il est important de revenir sur les séquences du débat régional dont les médias nationaux se sont largement tenus à l’écart.

1. Les limites d’un découpage politique

Dans la refonte des régions, seul a été retenu le prisme comptable des économies d’échelle mises en exergue par le gouvernement Valls 2, qui promettait « plus d’économie, plus d’attractivité, plus de simplicité ». Mais qu’en est-il dans les faits ?

L’absence patente d’économie d’échelle. Dans la réforme régionale de la loi NOTRe, il faut distinguer différents niveaux d’analyse : il y a d’abord le bien-fondé du redéploiement des compétences entre collectivités et entre ces dernières et l’Etat ; il y a ensuite l’intérêt de la fusion pour certaines collectivités régionales, et enfin le choix des périmètres retenus. Si la clarification des responsabilités entre collectivités reposait sur un large consensus de la réduction du mille-feuille, les experts avaient pointé très tôt la faiblesse des économies à réaliser avec la fusion des régions du fait de leur faible masse salariale et parce que les deux tiers sont des personnels travaillant dans les lycées et dont les activités devaient se poursuivre. La fusion conduisait inévitablement à des harmonisations qui allaient grever les faibles gains, par le haut pour rémunération des agents, par le bas pour la fiscalité. La Cour des Comptes (2017) note ainsi pudiquement, dans son rapport de 2017, que les éventuelles mutualisations ont de fait été obérées par « des surcoûts pérennes de gestion » (p. 148) et souligne que (p.54) que les régions fusionnées « ne paraissent pas avoir eu un comportement singulier en matière de dépenses de fonctionnement ». Elle reconnaît enfin que le coût exact de la fusion est difficile à évaluer.

La concurrence des espaces métropolitains. Si l’on s’en tient ici au Grand Est, initialement seule Strasbourg avec 450 000 habitants avait été reconnue comme métropole, ce qui la désignait comme chef de file d’une vaste région, du Rhin aux portes de Paris. Depuis d’autres agglomérations ont été hissées au rang de métropole comme Nancy et Metz qui pourraient tout aussi bien jouer un rôle d’animation de leurs territoires respectifs. La promotion des intercommunalités de Reims (217 100 hab.), de Châlons-en-Champagne (63 600 hab.) et d’Epernay (36 900 hab.) au sein d’une métropole n’a en revanche pas été retenue. Cette émergence souligne en tout cas, les volontés locales de peser dans les décisions face à un pouvoir régional qui s’éloigne, jusqu’à créer des situations de relative extra-territorialité régionale que certains imaginent étendue à leur département. La manière dont doit s’effectuer la redistribution des locomotives métropolitaines vers le reste du territoire n’est pas établie. L’équation est rendue encore plus instable du fait que ces centres ont des profils sociopolitiques différents, qui les conduisent à désigner des majorités s’opposant à celles des Conseils régionaux, à l’instar de Strasbourg et de Nancy vis-à-vis du Grand Est.

Une vaste région déstructurée. Le Grand Est compte 5,5 M habitants pour 57 500 km2 (plus que la Belgique). La taille avait été avancée pour justifier le transfert de nouveaux pouvoirs, or ceux-ci sont âprement combattus par l’administration centrale qui garde le pouvoir financier. De fait, les compétences des collectivités s’inscrivent dans des périmètres globalement inchangés. Géographiquement, chacune des anciennes régions était structurée selon un axe méridien : côtes champenoises de Reims à Troyes pour Champagne-Ardenne, sillon lorrain de Nancy à Thionville pour la Lorraine, vallée du Rhin pour l’Alsace. Le nouvel ensemble va au contraire devoir s’articuler suivant une logique Est-Ouest et prendre appui sur les radiales parisiennes (LGV, autoroutes A4, A5-N19). Plus étendue, la nouvelle région présente un accroissement significatif de son hétérogénéité territoriale, où contrastent des départements ruraux en déclin (Meuse) avec des espaces largement urbanisés (Alsace). Des pôles centrifuges puissants réduisent toute capacité de cohérence : la métropole parisienne polarise les villes champenoises, le pôle luxembourgeois rayonne sur une large part de la Lorraine et le dynamisme des espaces frontaliers suisse et allemand structure les territoires alsaciens. Enfin, les distances et le temps de trajet sont rédhibitoires pour l’organisation de structures efficace : 4h30 de trajet entre Troyes et son chef-lieu Strasbourg ; et pour le train, il est plus efficace de se réunir à la gare de l’Est à Paris (Baldenweck, 2017).

La fusion régionale s’explique surtout par la nécessité politique de faire une place aux conseils départementaux – pris en sandwich entre des intercommunalités élargies – et les régions, sans fondamentalement réduire le mille-feuille. Avec la baisse des dotations de l’Etat, les tensions ne manqueront pas de s’accroître sur les éventuels transferts des maigres recettes régionales et de peser sur la prise de décision. La situation a poussé le président de région, Philippe Richert, à donner sa démission en septembre 2017, marqué par un double constat d’échec au niveau national à la tête des Régions de France et à son incapacité à insuffler du sens à la Région Grand Est, fortement contestée par sa base alsacienne.

2. La violence politique de l’imposition d’une nouvelle identité

La suppression de l’Alsace comme collectivité raye du jour au lendemain un repère identitaire puissant pour une large part de la population locale. Mais avec le cadre politique disparaît toute visibilité puisqu’elle conduit de facto à la suppression des suivis statistiques. « L’Alsace n’existe plus » a dit sur le ton de la plaisanterie le président Hollande, interpellé par deux jeunes Alsaciens, lors d’un conseil des ministres franco-allemand à Metz en avril 2016. Il fait en cela écho à Manuel Valls qui avait déclaré lors des Débats à l’Assemblée nationale : « Il n’y a pas de peuple alsacien. Il n’y a qu’un seul peuple français… Dans la réforme que nous menons, je serai extrêmement attentif à ce qu’il n’y ait pas de dérive ». Construire la nouvelle entité, c’est de fait redessiner de fait une part essentielle des circuits de sociabilité, car hormis la redistribution de la géographie du pouvoir et de l’administration, c’est l’ensemble des structures, bancaires, syndicales, associatives (sportives, loisir, professionnelles) ainsi que les corps intermédiaires et les Chambres des métiers qui ont été contraints de se restructurer à l’échelle du Grand Est. Inutile de rappeler ici l’importance des distances à parcourir et les surcoûts qui y sont liés et qui nuisent bien sûr à l’efficacité globale de telles organisations.

Cette évolution est ressentie comme un coup supplémentaire porté à la singularité régionale, dans une logique réactivée récemment : elle suit le choix concomitant d’interdire toute actualisation du droit local (Arrêté Somodia du Conseil Constitutionnel de 2011), et précède la fragilisation du régime local d’assurance maladie de l’Alsace-Moselle, pourtant, considéré comme exemplaire dans sa gestion, par l’introduction de la complémentaire santé généralisée (février 2016). Les attaques viennent enfin des loges maçonniques qui exigent la suppression du concordat, perçu comme un des marqueurs de l’identité historique (Fortier, 2014). La fusion n’est donc qu’un des éléments supplémentaires d’une entreprise de destruction systématique du cadre culturel légué par l’histoire, sous couvert de dénonciation du repli sur soi dont feraient preuve les Alsaciens. Ce contexte délétère d’assimilation imposée ravive des moments douloureux de la mémoire alsacienne. Elle met en lumière l’entreprise d’intégration culturelle et linguistique que l’Etat français a brutalement appliquée à partir de 1922 lors du Cartel des Gauches. Les revendications autonomistes ressurgissent, exigeant aussi bien un droit d’inventaire qu’une liberté de gestion pour les affaires régionales. Mais aujourd’hui comme hier, la volonté populaire est bridée au nom de l’intérêt et de la légitimité de la représentation nationale.

L’incompréhension des régions françaises voisines au sort réservé aux Alsaciens en dit long sur leur méconnaissance. En Suisse et en Allemagne, un tel schéma est tout bonnement inimaginable. Souvent, elle s’accompagne d’une « joie maligne », Schadenfreude, de voir une région perçue comme particulariste, fière de ses succès. Pourtant, la crise économique et la forte désindustrialisation depuis les années 2000 l’ont fait brutalement descendre de son piédestal avec 10% de taux de chômage et un revenu qui s’est fortement rapproché de la moyenne nationale. Le recul est d’autant plus lourd à encaisser que les régions voisines du Bade-Wurtemberg et du Nord-Ouest de la Suisse assurent le plein emploi à leurs populations et des revenus rarement égalés en Europe. De part et d’autre du Rhin, les niveaux de développement économiques étaient encore comparables il y a 30 ans. Le manque de compétitivité tient en grande partie aux différentiels nationaux, particulièrement marqués avec le voisin allemand. Ils se font sentir avec d’autant plus de force qu’on est près de la frontière. Les revers économiques nationaux et régionaux accroissent le ressentiment. L’absence volontaire de politique linguistique en faveur de l’allemand interdit désormais l’option du travail frontalier aux jeunes générations et il est fort à parier que sa réactivation dans un cadre européen s’avère plus difficile encore à l’échelle du Grand Est, face à la puissance machine de l’Education nationale. La faute est-elle à la taille ? Certainement pas, la densité et la bonne gestion des collectivités classaient les entités alsaciennes, régions et départements, en tête de peloton pour l’efficacité administrative.

Le choc est d’autant plus brutal que les élus régionaux avaient initialement pris fait et cause pour le respect de l’entité unique alsacienne (96% étaient initialement opposés à cette fusion), appelant à des manifestations (Richert) à des pétitions (Rottner), avant de se rallier brutalement au projet et d’être portés à la présidence du Grand Est. La menace de l’Extrême Droite aux élections régionales de 2016 et 2017 a semblé supérieure au souci de revendications régionalistes. Décapitée, la classe politique alsacienne de centre droit attendait le changement de majorité à l’Assemblée nationale pour faire valoir ses revendications. L’élection d’Emmanuel Macron viendra doucher leurs espoirs légalistes.

3. L’épuisement des recours juridiques et le réveil des traumatismes régionaux

La proposition du Sénat, qui maintenait l’existence du Languedoc-Roussillon et de l’Alsace, a été rejetée par deux fois par la majorité socialiste à l’Assemblée nationale. Durant tout l’automne 2015, des manifestations hebdomadaires ont été organisées dans les villes alsaciennes, rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes venues protester. Diverses pétitions sont diffusées : en septembre 2014, Jean Rottner alors maire de Mulhouse remet au président de la République 53 000 signatures en faveur du maintien de l’Alsace ; une pétition citoyenne « Alsace retrouve ta voix » en faveur d’un référendum local sur le statut de la Région rassemble 127.000 signatures et enfin, le député Furst recueille 16 000 signatures « Rendez-nous l’Alsace ». Le tout sans effet notable.

La seconde voie suivie a été celle du droit. Le Conseil de l’Europe a fustigé la France signataire de la Charte européenne de l’autonomie locale, qui a procédé sans consultation ni concertation des instances régionales. Saisi par des députés alsaciens, le Conseil constitutionnel n’a pas invalidé la loi de fusion, refusant de se prononcer sur la Charte européenne pour laquelle il s’est déclaré non compétent. Le recours est alors porté devant le Conseil d’Etat en septembre 2015. Ce dernier ne remet pas en cause le dispositif aux motifs que « les requérants n’avaient pas la qualité pour contester la conformité de la procédure d’adoption » et que le redécoupage n’affecte en rien le pouvoir régional dans sa nature juridique car il se fait sans transfert de compétences. Pourtant des juristes éminents se questionnent sur les fondements d’un jugement ad hoc.

Les élections régionales ont vu l’émergence d’un parti autonomiste alsacien, une première depuis l’Entre-Deux guerres qui engrange 15% des voix et le place au troisième rang des forces politiques en Alsace, mais sans pouvoir obtenir de sièges. Les échéances nationales sont moins favorables à l’expression d’un sentiment régional dans un contexte de poussée du Front national. Néanmoins, dans la circonscription de Sélestat-Marckolsheim, le candidat autonomiste recueille 45% des voix au second tour. Il revient donc à une majorité de droite avec à sa tête un président alsacien légaliste de mettre en œuvre la fusion. Les défections et les critiques vis-à-vis du Grand Est ne cessent de croître alors que les réorganisations administratives s’accélèrent.

Sans perspective électorale prochaine, ce sont maintenant les présidents des deux conseils départementaux qui portent les revendications de l’Alsace. Avec l’appui de l’ensemble des élus alsaciens à l’Assemblée nationale, ils envisagent de lancer un referendum sur l’avenir institutionnel de la région. De passage à Strasbourg, Emmanuel Macron a proposé une fusion des deux départements du Rhin mais avec maintien au sein du Grand Est. Cette nouvelle couche n’est pas sans poser de questions. Reste à voir, si les élus et l’opinion publique sauront se satisfaire de cette demi-mesure, qui risque pourtant de ne pas se représenter aussi tôt.

Conclusion

Le cas alsacien jette une lumière crue sur la méconnaissance voire le mépris du pouvoir central quant à la dimension identitaire des entités régionales, ravalées à de simples niveaux d’encadrement administratif. Il questionne aussi les bases démocratiques de la prise de décision en France, qui contredit ouvertement l’esprit même d’une république décentralisée. Sur le plan fonctionnel, la décision repose du constat sans appel :  la loi NOTRe ne fait aucun cas des apports des sciences humaines, particulièrement des acquis en science régionale : à aucun moment, les réalités géographiques, sociales, économiques ou historiques n’ont été prises en compte dans le découpage des régions, rien de ce qui fait la cohérence d’un territoire approprié par « une communauté humaine ancrée, un environnement complexe susceptible d’adaptation et d’apprentissage » (Courlet, Pecqueur, 2013). Le projet repose sur une approche comptable et des considérations d’équilibres politiques. Si on les mesure à cette aune, aussi bien les dérives financières du système que l’échec cuisant de ses promoteurs viennent sanctionner les résultats. Les dommages collatéraux, s’ils sont différenciés selon les régions, mettent en lumière l’incapacité de l’Etat central à penser d’autres échelles que la sienne et viennent alimenter encore un peu plus la défiance dans un système qui, en bafouant les principes de la démocratie et de la participation, conduit à une profonde crise de la légitimité politique. Patrick Tassin, président du CESER Grand-Est ne manque alors pas d’aplomb lorsqu’il déclare à Orléans, devant le Congrès des Régions de France (septembre 2017) : “Pour lutter contre la crise de confiance à laquelle nous sommes confrontés, il faut plus de transparence, de partage de la décision avec les citoyens.”

BIBLIOGRAPHIE

Baldenweck Y. (2017), « La colère sourde de Marcel Czaja », Dernières Nouvelles d’Alsace, édition du 17/11/2017.

Berroir S. et al. (2017), « Les systèmes urbains français : une approche relationnelle », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne].

Cour des Comptes (2017), Les finances publiques locales. Rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, Octobre 2017, [En ligne], 510 p.

Courlet C., Pecqueur B. (2013), L’économie territoriale. Presses universitaires de Grenoble, 144 p.

Fortier J. (2014), « Le Grand-Orient souhaite la sortie progressive du régime concordataire en Alsace-Moselle », Dernières Nouvelles d’Alsace, édition du 09/12/2014.

Klein P. (2015) Coord. , Indignations alsaciennes : identité, démocratie, économie, Allewil-verlag, 154p.

Kretz P. (2015) Le nouveau malaise alsacien, Le Verger éditeur, 100 p.

Revue du Droit Local (n° 74 – Septembre 2015), publication de l’Institut du Droit Local alsacien-mosellan.

 

 

 

02 février 2018 ~ 0 Commentaire

Arnaud Simon, Yasmine Essafi, Raphaël Languillon-Aussel | Ce que le lien prix des logements-vieillissement peut dire du Big Bang territorial

Arnaud Simon, maître de conférences en finance à l’université Paris-Dauphine

Yasmine Essafi, doctorante à l’Université Paris-Dauphine

Raphaël Languillon-Aussel, Docteur et agrégé de géographie

 

Pourquoi ce Big Bang territorial ? Comment en rendre compte ? Et comment tenter d’en inférer les futurs développements ? Dans le cadre d’une recherche publiée dans la Revue d’Economie Régionale et Urbaine et de son prolongement (Essafi, Simon (2017), Essafi et al. (2018)), nous souhaitons attirer l’attention sur le lien démographie – prix immobilier comme étant particulièrement utile à l’analyse de ce Big Bang. Cette réflexion s’ancre dans la théorie économique du cycle de vie et se développe dans une perspective géographique.

L’idée de base est simple : 1 – Lors de sa vie active, un individu achète (ou tente d’acheter) sa résidence principale. 2 – A  sa retraite, il n’est plus acheteur. 3 – A son décès, il devient vendeur par l’intermédiaire de ses héritiers. Le fameux ratio ‘retraités/actifs’ est donc étroitement lié au rapport offre/demande pour les logements, et par conséquent aux prix. Beaucoup d’études internationales viennent aujourd’hui corroborer ce lien, notamment celle de Takats (2012) réalisée sur 40 ans et 22 pays de l’OCDE. Dans le cas de la France, si l’on prend en compte la dimension démographique dans l’explication de la dynamique du prix des logements, il a été montré que les variables habituellement invoquées (taux d’intérêt, revenus, construction neuve, taux de divorce) avaient un rôle secondaire voire nul devant les facteurs démographiques (population totale, ratio retraités/actifs). Cette perspective permet en particulier d’expliquer très simplement le doublement, voire le triplement, des prix des logements entre 1997 et 2007. Il s’agit en effet précisément de la période où tous les baby-boomers, c’est-à-dire les personnes nées avant 1970, appartiennent à la population active et sont donc acheteurs de logement. Cette envolée des prix n’est ainsi que la simple conséquence d’un phénomène de demande, dû à des classes d’âge très nombreuses. Il s’ensuit un accroissement (un accaparement ?) marqué de la propriété immobilière au bénéfice des retraités.

Mais qu’en est-il de la dynamique spatiale de ce phénomène ? Du Big Bang territorial ? Les deux facteurs qui déterminent les prix des logements (population totale, retraités/actifs) sont en fait fortement hétérogènes aux niveaux locaux et régionaux. Si au niveau national le vieillissement de la population engendre une lente érosion du prix moyen du fait de l’inévitable augmentation des décès, cette évolution se réalise cependant de manière très inégale sur l’ensemble des territoires locaux. On peut ainsi distinguer trois types de départements (cf. Figure ci-dessous). Certains voient leur parc immobilier se déprécier progressivement, dans des proportions moyennes, du fait d’un vieillissement assez fort que l’accroissement modeste de leur population ne réussit à compenser. Ces départements payent la facture du papy-boom d’une manière assez standard (en gris sur la carte). Mais on peut aussi identifier des départements très vieillissants et en perte de population où les prix des logements s’effondrent ; ceux-ci surpayent la facture du papy-boom (en blanc sur la carte). Enfin, d’autres pour lesquels le vieillissement est faible et l’accroissement de la population fort ; ici les prix immobiliers sont appelés à croitre (en noir sur la carte). Ces derniers sont les grands gagnants de l’inévitable réorganisation spatiale de la valeur qui se joue à l’occasion de ce papy-boom.

Evolution des prix immobiliers sur la base des variables démographiques

5-Ce que le lien ‘prix des logements–vieillissement’ peut dire du Big Bang territorial - Arnaud Simon , Yasmine Essafi, Raphaël Languillon-Aussel

En noir : Faible vieillissement, gain de population, hausse des prix = Les gagnants du papy-boom.

En gris : Vieillissement moyen ou fort, accroissement modeste de la population, érosion des prix = Facture moyenne du papy-boom.

En blanc : Fort vieillissement, baisse de la population, chute des prix = Surpaiement de la facture du papy-boom.

Comme pour beaucoup de grandes entreprises qui ont profité du départ à la retraite des premiers baby-boomers pour se transformer, les territoires vivent aujourd’hui une profonde réorganisation de leur richesse. En termes de distribution de la richesse ce phénomène est majeur. Rappelons que le parc des logements français vaut à peu près 6 300 milliards d’euros, et qu’il a enregistré au cours des 20 dernières années une plus-value de 3 700 milliards d’euros, soit deux fois la dette de l’Etat…

Ces circulations invisibles des destructions et des créations de valeur, imputables aux dynamiques de vieillissement inégales des territoires et à leurs impacts sur les marchés immobiliers résidentiels, profitent avant tout aux métropoles qui voient leur parc s’apprécier fortement. Le statut de métropole est aujourd’hui une assurance contre la perte de richesse immobilière. Pour les départements n’hébergeant pas de métropoles, ceux-ci doivent présenter un ensemble de facteurs secondaires favorables pour parvenir à profiter de ce Big Bang, parmi lesquels : la proximité d’une métropole, la littoralité, un caractère frontalier, une activité touristique notable ou encore un tissu PME/PMI dense de type Marshallien. Mais il est alors très important de souligner que pour appartenir à ce groupe des gagnants du papy-boom, ne présenter qu’une seule de ces caractéristiques ne saurait suffire ; deux, voire trois sont nécessaires. Les autres départements paient, ou surpaient, les effets du papy-boom et sont soumis à une circulation invisible des destructions de richesse.

Du point de vue socio-économique le degré de gentrification départementale correspond étroitement à cette dynamique. En d’autres termes, les habitants des départements gentrifiés voient leur richesse immobilière s’accroitre, tandis que les départements avec beaucoup d’ouvriers et d’employés voient leur patrimoine se déprécier. Le nombre total d’habitants est aussi un bon prédicteur, les départements peu peuplés ayant tendance à surpayer, même s’il existe des exceptions (Tarn-et-Garonne, Hautes-Alpes). Ce qui est par contre beaucoup plus étonnant est que la géographie du chômage ne recoupe pas du tout celle de ce remodelage de la richesse. Donner une trop grande place à cet indicateur pour orienter les politiques d’aménagement du territoire revient ainsi à ignorer une bonne part de ce phénomène. Enfin, analyser cela en termes d’accessibilité au logement offre des résultats contrastés et qui n’ont rien d’automatiques.

La gentrification est donc emblématique du Big Bang. L’explication est d’ailleurs assez simple : 1 – Les futurs papy-boomers, du seul fait de leur nombre, ont fortement fait monter les prix au cours des années 1990-2000. 2 – Lorsqu’ils revendent aux classes d’âge qui les suivent (revente directe ou indirecte via leurs héritiers), les seules à pouvoir assumer de tels prix sont les classes moyennes et supérieures. Cette situation de prix élevés ne pouvant qu’accentuer la sélection sociale par la localisation, la gentrification apparait alors comme une conséquence directe du papy-boom. Elle doit donc être pensée comme une tendance puissante et de long-terme, puisque déterminée par des caractéristiques démographiques.

Le Big Bang territorial est un phénomène profondément structurel qu’il serait vain de vouloir réduire à des facteurs économiques locaux, cycliques et de moyen-terme. Sa détermination est avant tout sociodémographique et géographique. La modification de la circulation de la richesse entre les générations du fait du papy-boom est aussi une modification spatiale qui porte à conséquences pour les territoires locaux, certains bénéficiant de créations de valeur, d’autres subissant des destructions de valeur. Si des mécanismes de redistribution spontanée existent, ils ne sauraient cependant suffire. Dans certains départements, des maisons de 120m² ne parviennent ainsi pas à se vendre pour… 40 000 euros. L’accompagnement de ce Big Bang territorial est donc central. Une observation sérieuse de l’évolution des prix immobiliers serait un très bon indicateur pour rendre compte de cette inévitable transformation.

 

 BIBLIOGRAPHIE

Takáts, E. (2012). Aging and Housing Prices. Journal of Housing Economics 21, 131–141.

Essafi, Y. & Simon, A. (2017). Concurrence générationnelle et prix immobiliers. Revue d’Économie Régionale & Urbaine, (1), 109-140.

Essafi, Y., Languillon-Aussel, R., Simon, A., (2018). The Relation between Aging and Housing Prices – A Key Indicator for the French Spatial Wealth Reshaping. Working paper, disponible sur demande ou sur Hal-Shs

 


Auteur de contact : arnaud.simon@dauphine.fr

 

 

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