Jean Renard | Quelle(s) métropole(s) pour l’Ouest ?
Nantes Rennes : concurrentes ou complémentaires ?
La véritable question quant à la reconnaissance de Nantes comme la grande et seule métropole de l’Ouest est la présence à proximité de Rennes qui entend jouer aussi son rôle et veut se faire reconnaître en tant que métropole. Nous ne sommes pas dans la situation de Toulouse ou de Bordeaux qui n’ont pas de rivales susceptibles de leur faire de l’ombre et de leur disputer la suprématie. Du fait de l’histoire et des fonctions attribuées à Rennes s’est instaurée une réelle concurrence entre les deux villes. Certes la hiérarchie urbaine en nombre d’habitants et l’examen des fonctions exercées par les deux villes sont en faveur de Nantes, mais les dynamiques démographiques sont voisines et Rennes conserve l’avantage dans le domaine universitaire. La preuve en est dans la mise en place de la nouvelle université de nature fédéraliste qui doit regrouper l’ensemble des sites d’enseignement supérieur et de la recherche des deux régions, elle aura son siège à Rennes.
Longtemps les deux villes se sont tournées le dos. Lors des rares rencontres entre élus ceux ci se réunissaient volontiers à mi-chemin des deux villes, à Derval ou à Bain-de-Bretagne, et ce encore dans les années 1970 ! Désormais on se regarde, on s’évalue, on se mesure, mais on collabore peu.
Tableau comparatif des populations et des dynamiques démographiques récentes des deux agglomérations de Nantes et Rennes
Quelques indicateurs des dynamiques respectives de Nantes et Rennes
Ceci étant nombre de statistiques permettant de définir les fonctions métropolitaines sont délicates à comparer du fait de l’usage de territoires d’analyse différents par les services techniques des villes. Ainsi selon que l’on compare les communautés urbaines, les aires urbaines ou les zones d’emploi, les données obtenues peuvent conduire à des classements différents entre les métropoles. Ainsi la zone d’emploi de Rennes est largement plus grande que son aire urbaine, ce qui n’est pas le cas à Nantes du fait de la présence de la zone d’emploi de Saint-Nazaire.
Concurrentes ou complémentaires les deux agglomérations de Nantes et de Rennes ont une dynamique positive voisine, et l’une n’écrase pas l’autre, chacune ayant ses domaines de prédilection, même si Nantes dispose, surtout avec l’estuaire et Saint-Nazaire, d’un poids démographique et d’un tissu industriel nettement plus importants, tandis que Rennes conserve un rôle universitaire prééminent.
Les trois scénarios quant à la place de Nantes dans l’Ouest.
Trois solutions s’offraient aux élus quant à la réorganisation des territoires puisque les populations ne sont pas consultées pour donner leurs avis. Rappelons que nos législateurs ont refusé toute modification des périmètres des régions existantes et interdit le transfert d’un département d’une région à une autre. Ce refus ne permettait pas d’exaucer le vœu des partisans du rattachement de la Loire-Atlantique à la province historique bretonne, ou de ceux du retour de la Vendée dans son Poitou d’origine. Aussi ne reste que trois solutions, chacune peut être définie par un mot : immobilisme, raison, utopie.
- Immobilisme, on joue petit bras et on reproduit le découpage d’hier entre régions, départements et communautés de commune. Dans l’Ouest rien ne change et rien ne bouge. C’est la solution qui a été choisie. Elle évite la question d’une nouvelle capitale unique. Elle évacue la réalité de la hiérarchie urbaine. Elle justifie le maintien de Rennes comme capitale régionale et la promeut comme métropole. Ce qu’elle n’était pas jadis dans le choix des métropoles d’équilibre des années 1960, et naguère dans le classement des villes européennes du Gip Reclus de 1990. Ce choix ne fait qu’exacerber les concurrences entre les deux villes en dépit d’une volonté affichée de collaboration et de complémentarité. La réalisation prochaine de la LGV Paris Rennes, et les retards ou le rejet de la réalisation de l’aéroport de Notre-Dame-des-landes ne font qu’ajouter aux problèmes des relations entre les deux villes. Le seul changement, on donne à Brest le statut de métropole, en tenant simplement compte de la population de son aire urbaine. Pourquoi Brest à l’ouest et pas Toulon dans le sud ?
- La raison, soutenue par un grand nombre d’élus des pays de la Loire et un certain nombre de bretons, aurait été d’accepter l’idée d’une fusion des régions, à deux ou à trois, et en profiter pour redéfinir les rôles des départements, pouvant aller jusqu’à leur pure et simple disparition, et accompagner ce « big bang » de la promotion des pays, tels qu’ils ont été reconnus depuis longtemps en Bretagne (des le années 1950 par le CELIB) plutôt que des communautés de communes souvent trop étriquées, et aux périmètres purement administratifs, pour résister à l’effet de métropolisation. En Pays de la Loire les pays ont également une réelle consistance historique et une identité reconnue. Une association entre les pays et la région aurait permis une simplification des strates administratives, et elle induisait sans doute à terme la disparition des départements. La hiérarchie urbaine de l’Ouest de type christallérien jouait en faveur de ce type d’organisation. Elle a été illustrée dans la thèse de Valérie Jousseaume ( L’ombre d’une métropole, PUR, 1998).
- L’utopie aurait consisté à faire de la métropole nantaise le pivot des territoires de l’Ouest en redéfinissant son rôle de porte océane, de lui retrouver son double visage, à la fois bretonne et ligérienne, ce au service d’un Grand Ouest dont elle serait, non pas la capitale, mais à l’instar de Brême ou de Hambourg une ville de type hanséatique, entourée par une vaste région armoricaine dont chaque sous-ensemble aurait sa propre capitale relais (Rennes, Angers et Poitiers). C’est l’idée exposée et défendue par le géographe Alain Chauvet, reprenant peu ou prou les analyses d’André Siegfried et de Julien Gracq. Elle fait de Nantes le pivot, la charnière, l’axe, rayonnant sur l’ensemble de l’Ouest, à la fois bretonne et ligérienne.
Une telle configuration a ses partisans et sa logique. Elle était défendue dans les années 1970 par Paul Delouvrier avec la création de l’association Ouest-Atlantique. Elle permet d’afficher Nantes face à sa rivale qu’est Bordeaux, cette dernière étant désormais à la tête d’un très vaste territoire dont aucune autre ville ne lui dispute la primauté. Elle répond à la hiérarchie urbaine héritée et se justifie par les nouvelles fonctions, statut et nature de Nantes. Elle fait de Nantes la seule métropole incontestée de l’Ouest. Encore faudrait-il que les grands élus de l’Ouest en prennent conscience. Nous en sommes loin à lire leurs déclarations !
Conclusion
Nantes a changé de nature, de statut, d’image. Il faut en prendre acte et lui donner un rôle nouveau dans l’articulation des territoires de l’ouest de la France. Sa quête métropolitaine est en cours d’achèvement. Seules les dimensions à l’international et universitaire sont encore insuffisantes. Il faut porter les efforts sur ces deux fonctions. Il n’en reste pas moins que son éternelle rivale historique qu’est Rennes constitue un obstacle et problème à sa pleine reconnaissance. Les représentations liées à l’histoire pèsent encore. Il n’empêche, désormais la métropole nantaise, avec ses trois territoires emboîtés que sont la communauté urbaine, l’estuaire industriel et la façade maritime, balnéaire et de retraite, forme un tout et un ensemble de près d’un million d’habitants. En outre elle rayonne désormais sur les bocages vendéens et les Mauges dont le tissu industriel est désormais associé aux grands donneurs d’ordre que sont Airbus et les chantiers navals. L’ancien système productif localisé du choletais reposant sur la chaussure et la confection, isolé et tournant le dos à l’estuaire n’est plus.
Il faut prendre en compte ces nouvelles dimensions territoriales et économiques. A tout le moins donner à cet ensemble une gouvernance commune seule à même de justifier le statut de métropole. Ce qui pose, chemin faisant, l’avenir du département de Loire-Atlantique dont les limites géographiques tendent à se fondre dans une aire urbaine nantaise en expansion continue et qui déborde même au sud sur les départements voisins.
Reste à savoir si les élus sont prêts à reconnaître ce que les populations ont déjà acté dans leur espace de vie du quotidien.
Jean Renard, Professeur émérite des Universités, UMR ESO
Oui, comme Rome n’est plus DANS Rome, Nantes déborde de la Bretagne comme de la Loire, sorte de Lyon littorale et maritime. Et Rennes déborde aussi pour bien des fonctions sans offenser Laval et Le Mans.
BONS VOEUX 2016 POUR TOUS, AUTEURS, ANIMATEURS ET LECTEURS maintenant en manque.