11 août 2014 ~ 0 Commentaire

Ivan Samson | Deux lectures de la nouvelle carte des régions

Il est possible de faire deux lectures du redécoupage des régions. La première lecture, que nous pouvons appeler « cohésion », va considérer la réforme du point de vue des équilibres territoriaux intérieurs à la nation. La seconde approche, dite « métropolisation », va évaluer la réforme du point de vue de la capacité des métropoles dynamiques à entrainer les territoires et à se connecter au réseau des métropoles européennes. La première observation qui frappe à la lecture de la nouvelle carte, c’est qu’il se dégage un nouveau clivage nord-sud. Le processus de concentration régionale apparait plus marqué au sud avec quatre régions (hors Corse), alors que le nord a encore huit régions

La nouvelle carte selon l’approche cohésion

Sans aucun doute, la nouvelle carte R13 est plus cohérente : que ce soit du point de vue de la population ou du PIB, les écarts entre les régions se réduisent. 7 régions sur 13 ont 5 millions d’habitants ou plus, et 8 régions sur 13 ont un PIB de 100 milliards d’euros ou plus. Dans une perspective de cohésion, il faut remarquer un effet mécanique de concurrence plus défavorable pour les petites régions qui subsistent : la Corse mise à part, cet effet va s’exercer sensiblement pour les régions Centre et Bourgogne/Franche-Comté, et sans doute un peu moins nettement pour la Bretagne, la Normandie et les Pays de la Loire. Symétriquement, les 3 régions traditionnellement fortes (l’IDF mise à part) : Nord, Rhône-Alpes et PACA, ne croissent pas ou peu en poids, et vont donc devoir composer avec 3 nouveaux concurrents de force semblable, pour l’attraction des investissements privés ou l’allocation des ressources publiques.

Abordé sous l’angle de la cohésion, le clivage nord-sud pose un véritable problème car même avec les regroupements effectués, on ne voit au nord aucun ensemble capable de contrebalancer le poids de l’IDF, de résister à son attraction des emplois et simplement « d’exister » de manière autonome du point de vue économique. Trop dispersés face au poids de la capitale, ils risquent de connaître le sort des Curiaces et de continuer leur trajectoire de déclin relatif.

Plusieurs options du R13 mériteraient  une réflexion supplémentaire:

-          La fusion Bretagne/Pays de la Loire semble « naturelle » pour de nombreuses raisons : infrastructures de transport, poids de l’agriculture et du tourisme, dynamisation grâce à la forte base productive des Pays de la Loire. Il en résulterait un ensemble Ouest assez puissant, qui deviendrait le deuxième de France (hors IDF) après Rhône-Alpes. Dans la configuration actuelle, le risque existe de voir la Bretagne rejoindre la Corse (et peut-être Bourgogne-Franche-Comté) dans le peloton des dernières périphéries.

-          Le maintien isolé de la région Centre est problématique du point de vue de la viabilité, la fusion avec la région Ouest ou un autre ensemble serait souhaitable.

-          Comme indiqué plus haut, d’autres regroupements des nouvelles régions seraient également les bienvenus dans la moitié nord.

Les quatre ensembles du sud sont à la fois assez puissants dans leur dimension pour échapper à l’attraction parisienne, et assez proches en taille pour ne pas menacer la cohésion territoriale.

La nouvelle carte selon l’approche métropolisation

Deux traits importants distinguent cette approche de la précédente, qui relèvent tous deux de la problématique de la métropolisation : le premier consiste à se demander si les nouveaux espaces régionaux sont à même d’être entrainés par des métropoles dynamiques, selon le modèle de Scott (2001) et le second si ces métropoles sont susceptibles de mieux s’articuler au réseau européen et mondial des métropoles (Veltz, 1996).

Le renforcement des cités-régions

A partir des données sur les dynamiques métropolitaines, on peut faire les observations suivantes :

-          Il y a 3 nouvelles régions qui répondent parfaitement aux critères de la métropolisation, à savoir un espace plus grand et une métropole dynamique : la grande région Pyrénées/Languedoc, la grande région Aquitaine, la grande région Rhône-Alpes/Auvergne. Les effets seront sans doute plus puissants pour les deux premières car le dynamisme métropolitain est élevé et l’extension territoriale importante. C’est la grande région Pyrénées/Languedoc qui est la plus gagnante, en réunissant les deux métropoles les plus dynamiques de France.

-          Il y a ensuite des nouvelles régions qui passent à côté, provisoirement peut-être, des opportunités de métropolisation car leurs pôles dynamiques (Nantes, Marseille) ne sont pas inscrits dans des espaces en extension : Pays de la Loire et PACA ; ou bien des espaces en extension sont rattachés à des pôles moins dynamiques (Lille, Strasbourg). Cette situation plaide pour la fusion Pays de la Loire/Bretagne, et la fusion PACA-Rhône-Alpes. L’autre situation appelle sans doute des mesures plus difficiles à réaliser, afin dynamiser les métropoles et peut-être élargir leur hinterland.

-          Le reste des nouvelles régions et les anciennes ne permettent aucun bénéfice en matière de métropolisation.

L’approche métropolisation autorise cependant une lecture différente du clivage nord-sud mentionné plus haut, et en fin de compte un avis moins réservé sur la réforme R13. En effet, dans cette  optique, il y a une seule véritable métropole, Paris, dans la moitié nord qui constitue en quasi-totalité son hinterland (à l’exception de la Bretagne, et peut-être de l’Alsace). Selon cette nouvelle lecture, c’est le poids de Paris qui explique le plus grand nombre de régions dans la moitié nord : il n’y a aucun autre espace pour la métropolisation, tant l’attraction de Paris est grande. La métropolisation s’y produit donc dans la deuxième acception de « repolarisation des régions et des territoires autour de pôles et de nouveaux espaces pertinents ». Chacune des régions de la moitié nord – Centre, Pays de la Loire, Normandie, Nord, Est et Bourgogne – doit donc s’efforcer de mieux connecter ses centres urbains à Paris et de trouver des nouvelles complémentarités avec l’IDF et entre elles afin d’y puiser un surcroit de croissance.

La mesure de l’intensité des relations entre métropoles étant assez difficile à réaliser (Agibetova, Samson, 2008), les remarques qui suivent n’ont valeur que de conjectures qui devront être étayées par des recherches futures.

L’inscription de la moitié nord de la France dans le réseau des métropoles européennes et mondiales passe par la connexion avec Paris qui est le principal hub d’accès à ces réseaux. Il est possible que des liens secondaires soient établis directement par Lille avec Bruxelles et Amsterdam, et par Strasbourg avec certaines métropoles allemandes et Zurich. En ce qui concerne les quatre grandes régions du sud, les connexions sont aussi en devenir mais les conditions sont favorables. Bordeaux, Toulouse et Montpellier ont pour vocation de se connecter plus étroitement à Paris, mais également à Barcelone et Madrid. Lyon et Marseille, de la même manière devront se connecter plus étroitement à Paris, mais également à Milan, Turin, Stuttgart et Munich.

 

Agibetova U., Samson I. (2008) : The Metropolisation of FSU Area: Temptative Measurement through the Method of Hyperlinks Notoriety, presented 48th Congress of the European Regional Science Association, 27 – 31 August 2008 University of Liverpool, UK, 28 p. ; published as GaWC Research Bulletin n°290,  http://www.lboro.ac.uk/gawc/rb/rb290.html

Ivan Samson, UPMF Grenoble, UVSQ Versailles   samson.ivan@gmail.com

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