27 juin 2014 ~ 0 Commentaire

Gwénaël Doré | L’avenir des départements et intercommunalités

Dans un précédent article (Les impensés de la réforme terroriale, Blog Big Bang territorial), nous avons abordé la question du devenir des Régions, entre un positionnement stratégique et des fonctions gestionnaires. Examinons maintenant l’avenir des Départements et des Intercommunalités, entre le besoin de proximité et l’exigence de masse critique nécessaires à la gestion.

Suppression des départements : quel avenir pour la proximité et la péréquation ?

Comme l’ont fait observer plusieurs commentateurs, il y a une contradiction entre la constitution de grandes Régions et la suppression des Départements, outil de gestion de proximité.

Les routes et les collèges seraient transférés aux Régions selon le projet de loi, mais que deviendront les compétences sociales des départements d’ici à 2020 ? L’hypothèse avancée par le Gouvernement est de les confier à l’Etat (RSA via les CAF, SDIS) ou aux métropoles ou aux intercommunalités si elles sont assez grandes

Capture

En caractères standard, selon le projet de loi ; en italiques, selon l’interview d’A. Vallini, secrétaire d’Etat, le 10/06/2014 à La Gazette.

La suppression des Départements pourrait entraîner des problèmes d’aménagement du territoire, par le bas et par le haut. V. Berbérian, président de l’Association des Maires Ruraux fait remarquer que « les communes rurales perdront des partenaires essentiels au niveau infra-territorial pour la gestion des politiques de proximité, que les futures super-régions et les intercommunalités de 20 000 habitants et plus ne remplaceront pas ». Cependant que J-P. Chevènement, ancien ministre de l’intérieur et sénateur du Territoire de Belfort, craint le « renforcement qui va concentrer dans les villes chefs-lieux de région, les compétences, du fait de la suppression de la clause de compétence générale des Départements », et qui « va inévitablement creuser la fracture entre les métropoles et les chefs-lieux de région d’une part, les villes moyennes et petites et les espaces ruraux d’autre part ».

Intercommunalités : pas à la taille

Si l’idée de remplacer le Département par les Métropoles là où elles existeront[1] est défendable, compte-tenu des compétences et des moyens humains de celles-ci, il n’en va pas de même pour le reste de la France organisée autour de chefs-lieux de départements regroupant villes petites et moyennes et espaces ruraux.

Le projet repose sur l’idée plus ou moins exprimée de remplacer le conseil départemental par une assemblée de présidents d’intercommunalités et de transférer certaines compétences jusque-là exercées par le Département aux Communautés.

La difficulté de ce projet réside dans le poids très différent en population des représentants des intercommunalités pour remplacer les actuels conseillers départementaux, ceci s’ajoutant au déficit démocratique du fonctionnement des Communautés (Doré, 2014b) et à l’insuffisance de débats politiques (Desage, Guéranger, 2011).

Par ailleurs, la taille diverse des Communautés est problématique pour assurer de nouvelles compétences, pour lesquelles les intercommunalités – même au nouveau seuil visé de 20 000 habitants – seront insuffisamment fortes. Selon une étude de l’AdCF (AdCF Direct du 6/6/2014), le seuil prévu à 20 000 habitants pour les intercommunalités ne serait actuellement atteint que par plus d’un quart des communautés de communes. A ce jour, sur 1903 communautés, 1507 n’atteignent pas ce seuil soit plus des trois quarts d’entre elles. Dans les régions de faible densité (Limousin, Franche-Comté, Champagne-Ardenne, Corse) ou certains départements très ruraux (Lozère, Nièvre…), la quasi-totalité des communautés sont situées en dessous du nouveau seuil. Ajoutons que la difficulté de procéder à un nouveau agrandissement pour les communautés de communes ayant fusionné ou s’étant étendus avant le 1er janvier 2014 en application des SDCI (Schémas Départementaux de Coopération Intercommunale) adoptés en 2011-2012 est accentué par le travail déjà engagé pour harmoniser les compétences et la gouvernance, d’autant plus qu’il y a eu un renouvellement des équipes communautaires à l’issue des récentes élections municipales, dont la moitié des présidents (48% de nouveaux présidents de Communautés de communes, selon une estimation de l’AdCF de juin 2014, AdCF Direct du 13/06/2014). La gestion de trop grandes communautés de communes peut se heurter au trop grand nombre de communes fédérées, ce qui pose un problème de gouvernance et d’implication des conseillers communautaires.

Certains, notamment Alain Rousset, président de l’ARF, ont évoqué (sur BFM, Localtis,  jeudi 22 mai 2014) l’idée de «réanimer les Pays» pour fédérer les intercommunalités à l’échelle d’un bassin de vie. Toutefois, les Pays (remplacés désormais par des « Pôles d’Equilibre Territorial et Rural » ; loi MAPTAM de janvier 2014) restent des structures de mission organisés vers l’animation d’un projet stratégique de territoire à l’échelle de plusieurs Communautés et reposent sur de petites équipes ((4 à 5 «emplois temps plein» en moyenne dans les syndicats mixtes ou groupement d’intérêt public, et 2 à 3 «emplois temps plein» en moyenne dans les associations (Doré, 2013). Ceci ferait perdre aux Pays leur fonction stratégique pour en faire des outils de gestion.

Le remplacement des départements par les intercommunalités risque enfin d’entraîner des disparités et de creuser les inégalités entre les territoires, du fait de la différence de richesses fiscales entre les communautés.

En conclusion

Le préalable d’une réforme serait de mieux appréhender les fonctions des différents niveaux : stratèges (Régions, Pays), gestionnaires (Départements, Communautés), en résolvant la contradiction entre le besoin de proximité de gestion et la masse critique nécessaire à l’exercice efficace de celle-ci. A l’heure actuelle, il y a une contradiction frappante entre l’élargissement des Régions et la suppression annoncée des Conseils Départementaux, d’autant plus que les intercommunalités (en dehors des Métropoles et des grandes agglomérations) n’ont pas la capacité de porter les compétences éventuellement transférées du Département. L’élargissement des Régions – et leur positionnement sur des fonctions stratégiques – plaide en faveur du maintien des Départements (en dehors de leur absorption dans le cas des Métropoles), outil de gestion de proximité, quitte à regrouper certains.

Gwénaël Doré, Directeur de Projets, INDL (Institut National du Développement Local)

 

Références

AdCF Direct, 6/6/2014 et 13/06/2014

Berberian V., 2014, « Avec la suppression du département, « les maires ruraux vont perdre un partenaire essentiel «, La Gazette

Chevenement J.-P., 2014, « La réforme territoriale, une affaire trop sérieuse », La Gazette

Desage F., Guéranger D., Sociologie des réformes et des institutions intercommunales, Coll. Savoir/agir, éditions du Croquant, 2011

Doré G., 2014, « Démocratiser le fonctionnement de l’interco« , La Gazette

Doré G., 2013, Les territoires de projets entre intégration institutionnelle et démarches de développement durable, in Carrière JP., Demazière C., Petrea R., Filimon L. (ed.), La mise en oeuvre du développement territorial durable : déclinaisons franco-roumaines,  L’Harmattan

Localtis,  22/05/2014, « Le département supprimé… et remplacé par quoi ? »

« Projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République », juin 2014

Vallini A., 2014,  « 14 milliards de transferts des départements aux régions », La Gazette


[1] La loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) du 27 janvier 2014 impose 3 grandes métropoles : Paris Lyon Marseille, et crée des métropoles de droit commun. La loi rend automatique la transformation en métropole de neuf EPCI de 400 000 habitants contenus dans une aire urbaine de 650 000 habitants : Bordeaux, Grenoble, Lille, Nantes, Nice, Rennes, Rouen, Strasbourg et Toulouse. Deux autres hypothèses prévues par le texte pour la création de ces nouveaux établissements publics relèveront du volontariat : des EPCI à fiscalité propre qui forment, à la date de sa création, un ensemble de plus de 400 000 habitants et dans le périmètre desquels se trouve le chef-lieu de région (exemple : Montpellier), et d’autres EPCI, centres d’une zone d’emplois de plus de 400 000 habitants, au sens de l’INSEE, et qui exercent déjà, au lieu et place des communes qui les composent, les compétences énumérées au I de l’article L. 5217-2, c’est-à-dire les compétences prévues pour les métropoles (exemple : Brest). Ces métropoles se substitueront aux intercommunalités existantes et disposeront de compétences étendues dans plusieurs domaines (développement économique, tourisme, transports, habitat, environnement, eau…).

 

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